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André Marchal (1894 - 1980)
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André Marchal vers 1935
Il ne saurait être question de retracer ici en quelques lignes la formidable carrière André Marchal, un des grands organistes du XXème siècle : « L’Aveugle aux doigts de Lumière ».
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Elève, à l’Institut National des Jeunes Aveugles, de deux disciples de César Franck : Adolphe Marty pour l’orgue et Albert Mahaut pour l’harmonie, puis d’Eugène Gigout au Conservatoire de Paris, il devint professeur d'orgue à l'Institut National des Jeunes Aveugles et organiste de Saint-Eustache.
Eugène Gigout à la console de Saint-Augustin à Paris
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Grâce à une solide culture musicale, il renouvela l'interprétation de Jean-Sébastien Bach ainsi que la facture d'orgues et fit découvrir la musique française des XVIIème et XVIIIème siècles. Grand interprète de César Franck et génial improvisateur, il fit des tournées dans le monde entier et eut de très nombreux élèves.
Grand Prix de Chartres 1972 :
Jean Langlais, Rolande Falcinelli, André Marchal, Norbert Dufourcq
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En 1921, il fait deux rencontres qui allaient exercer sur lui une influence considérable : celles du facteur d'orgues Victor Gonzalez et de son premier élève, le futur musicologue Norbert Dufourcq.
André Marchal et Norbert Dufourcq
à la console de l'orgue de Notre-Dame-de-Bon-Port, Nantes
12 janvier 1963
(cliché M. Boudet)
André Marchal et Victor Gonzalez à Saint-Eustache
(Collection Annick Danion-Gonzalez)
En 1922 se noue une autre amitié musicale importante, avec de l'illustre organiste et compositeur Louis Vierne, rencon-tré à Notre-Dame de Paris. Ce dernier lui demanda de jouer, en première audition, sa « Quatrième Symphonie » le 24 janvier 1923 et lui dédia son « Impromptu ».
Louis Vierne à la console de Notre-Dame de Paris
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Impossible de citer ici ses innombrables concerts en France, qu'il s'agisse de récitals ou de concerts avec orchestre. Sans doute par la foule qu'ils attirèrent, par la ferveur avec laquelle ils furent suivis, par leur ambition et leur ampleur générales, les concerts du Palais de Chaillot restent-ils une des manifestations les plus mémorables du maître.
Concert au Palais de Chaillot avec l'orgue Gonzalez
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André Marchal se produisit dans la plupart des pays d'Europe Monaco, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne, le Royaume Uni (dont l’inauguration de l'Orgue du Royal Festival Hall), l'Espagne, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, l'Italie. Il se fit entendre de nombreuses fois en Afrique du Nord, en Australie, mais c'est aux États-Unis qu'il développa le plus son activité de concertiste à travers 19 voyages outre Atlantique, dont 18 tournées.
A l'orgue de Rockfeller Chapel, University of Chicago, 1938
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Marchal connut personnellement de nombreux artistes : Francis Planté, Pablo Casals, Lazare-Lévy, Arthur Rubinstein, Albert Schweitzer, Helmut Walcha, Nadia Boulanger, Vlado Perlemuter, les familles Alain, Casadesus, sans compter des compositeurs comme Gabriel Fauré, Arthur Honnegger, Francis Poulenc, Claude Delvincourt, Maurice Duruflé, Olivier Messiaen, Louis Vierne, Charles-Marie Widor, Charles Tournemire, Jean Rivier, Jean Langlais, Gaston Litaize. Albert Roussel, Jan Sibelius, Benjamin Britten, Serge Prokofiev, Ralph Vaughan Williams écrivirent pour lui des thèmes d'improvisations.
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Sa culture musicale était considérable et il tenait à la faire partager à ses élèves et à stimuler leur curiosité. Cette curiosité ne se limitait pas à la musique d’orgue et à l’instrument dont il connaissait les grandeurs et les servitudes !
André Marchal avec Gaston Litaize et Georges Robert en 1974
De cette spécificité du jeu de l'orgue, André Marchal a toujours eu une pleine conscience. Sa vive intelligence, guidée par une intuition très sûre, lui a permis d'établir, sans dogmatisme, un certain nombre de principes qu'il a su partager avec les nombreux étudiants qui ont eu la chance de bénéficier de son érudition. A l’aspect fondamental de l’interprétation, il associa dans ses cours l'art de la registration et certaines notions de facture d'orgue.
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Concernant le répertoire, André Marchal n'imposait aucune exclusive. Dans sa classe, le répertoire s'étendant du XIXème au XXème siècle. Il fut également un grand improvisateur. Sa pratique de l'improvisation était marquée par la poésie, beaucoup plus que par le faux brillant et le spectaculaire.
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La facture d'orgue, enfin, demeurait également une des grandes passions du maître. Il ne manquait jamais une occasion de parler des instruments qu'il avait connus dans ses nombreux voyages et cette connaissance n'était pas uniquement théorique : il mettait lui-même la main à la pâte ; combien de fois ne l'a-t-on vu pénétrer dans l'instrument de la classe, pour resserrer un écrou ou accorder un tuyau ?
André Marchal à l'orgue de la cathédrale de Dijon
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Certes, André Marchal fut un maître remarquable, mais il fut encore un homme de rencontre et d'amitié. Pour l'amitié et pour la musique, il aimait rassembler autour de lui élèves et amis venant du monde entier. Là s'exprimait, souvent avec une pointe d'humour, sa grande courtoisie qui, au-delà des conventions mondaines, venait vraiment du coeur.
André Marchal, à son orgue de salon Jean-Sébastien à Hendaye
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Parmi ses très nombreux élèves, on peut citer : Norbert Dufourcq, Jean Langlais, Antoine Reboulot, Noëlie Pierront, Xavier Dufresse, Georges Robert, Louis Thiry, Jean Wallet, Jean-Pierre Leguay, Susan Landale, Arsène Muzerelle, Jean Laporte, André Pagenel, Anne-Marie Barat… André Marchal disait qu'il comptait «plus d'une quinzaine » de Premiers Prix d'Orgue au Conservatoire de Paris.
Avec Gaston Litaize et Antoine Reboullot
dans la cours de l'Instritution nationale des Jeunes Aveugles
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Jean-Philippe Gélu rapporte :
« Mes souvenirs à propos d'André Marchal sont déjà lointains, mais quelques temps forts émergent cependant : les trois chorals de Franck et improvisation à l'orgue de la Cathédrale de Reims, invité par Arsène Muzerelle vers 1970, deux visites chez lui, rue Duroc, dont une avec la petite troupe de l'A.F.S.O.A., menée par Jean-Albert Villard, où il nous a démontré gentiment, diplomatiquement mais fermement, que nous nous étions fourvoyés dans une vision par trop « intégriste » et scléro-sante de l'orgue, le tout ponctué par une longue improvisation sur la Voix Céleste.
Quelle agilité de l'esprit et du corps, alors qu'il approchait des 80 ans ! Sa conversation était un régal, tant par le contenu - il parlait de Louis Vierne, de Gigout, de Bonnet, comme s'ils étaient encore dans la pièce à côté - que par le style élégant, fleuri, raffiné, dont il ornait des propos toujours pertinents, jamais péremptoires ni polémiques, mais parfois brodés de petites piques teintées d'humour… qui faisaient mouche.
L'agilité physique aussi, qui le faisait asseoir sur son banc d'orgue, ou se lever, avec une rapidité qui s'apparente à celle de Lucky Luke tirant plus vite que son ombre. Et si un tuyau venait soudain à sortir de son accord, hop ! Il était debout sur son banc, l'accordoir à la main, pour ramener cet impertinent dans le droit chemin.
Outre son orgue Victor Gonzalez avec lequel il ne faisait qu'un, il possédait aussi une collection d'horloges et de montres toutes plus musicales les unes que les autres… engouement bien fréquent chez les organistes, même voyants, pour ces étranges machines qui, tel la musique, égrènent le temps dans un chapelet de fleurs sonores ».
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Institution Nationale des Jeunes Aveugles concert hommage du 16 juin 1987
De gauche à droite : Pierre Lucet, Georges Robert, Antoine Reboulot, André
Pagenel, Jean Laporte, Xavier Dufresse, Jean Langlais, Jean Wallet, Louis Thiry
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L'esthétique de l'orgue (Sources : En guise d’exorde, Cahiers et Mémoires de l’Orgue 1987 – II n° 38)
"Certains se demandent quelles étaient les idées esthétiques d'André Marchal dans le domaine de la facture d'orgues. Je pense ne pas faillir à la vérité en écrivant que l'artiste, loin de défendre une théorie dans l'absolu, se montrait ici du plus grand éclectisme. II avait horreur du système. II ne croyait pas à la reconstitution, au pastiche : loin de lui, le snobisme qu'il a vu monter, tout au cours de sa carrière, et qu'il réprouvait. Marchal n'a jamais pris au pied de la lettre l'historicité d'un instrument. Lui qui a tant oeuvré en faveur de la musique ancienne, notamment de la musique d'orgue du Grand Siècle, il n'a jamais prêché pour un retour en arrière, lorsqu'était en cause la restauration d'un orgue. II prenait en bloc toute la littérature de l'instrument et demandait à celle-ci des lignes susceptibles de le guider dans le choix d'une composition. Et lui qui a joué tant d'orgues de conceptions si différentes, il savait qu'il avait pour devoir de les utiliser, les uns comme les autres pour l'interprétation de toute musique. En présence d'un orgue à restaurer, son souci majeur était d'améliorer l'outil. Que de fois l'ai-je vu demander au facteur d'alléger, de clarifier une composition! Ceci ne l'empêchait pas de goûter les qualités intrinsèques d'un instrument authentique : il fallait l'avoir entendu jouer les orgues de Marmoutier, d'Ebersmunster, de Poitiers, de Saint-Maximin... Mais il portait tout autant d'intérêt à un Cavaillé-Coll authentique comme les instruments de Saint-Maurice (Bécon-lesBruyères), de Saint-Joseph d'Angers, de Saint Pourçain-sur-Sioule : ceux-ci, disait-il, il ne fallait pas y toucher. Voilà qui ne l'empêchait pas de réclamer un plein-jeu, ou une mixture simple (à destination de cornet) dans un Cavaillé qu'il jugeait trop pâteux. Avec joie, il se penchait sur le problème des orgues anciennes qui avaient gardé plus de quarante pour cent de tuyaux d'époque : loin de s'en tenir à une pure reconstitution, il recommandait de les compléter au mieux, de les doter d'un pédalier moderne et d'enrichir celui-ci de six à huit jeux (cf. La Flèche). A Auch, il regretta manifestement la lèpre qui avait détruit tous les tuyaux de plein-jeux, mais il suivit le facteur qui lui proposa la composition de fournitures et mixtures permettant la mise au clair de la polyphonie de Bach.
Cet artiste, qui avait joué des Harris, des Willis, des Walcker, des Tamburini, des orgues suisses, espagnoles, des Casavant, des Aeolian-Skinner, des Holtkamp, des Beckerath, avait une prédilection marquée pour la synthèse néoclassique des Français, jugeant à sa juste valeur le Cavaillé-Coll de Sainte-Clotilde, le Cavaillé-Mutin de Saint-Augustin, le Gonzalez de Saint-Martin de Vitré. De chaque orgue, il savait apprécier les timbres efficients, laissant de côté parfois ceux qui correspondaient moins à ses goûts. André Marchal n'ignorait pas que l'orgue du XXIe siècle cherchait sa voie en plein XXe siècle, et qu'il serait ce que nous le ferions.
Toute cette conception, il n'aura de cesse de la prôner au sein de la Commission des Orgues".
Norbert Dufourcq
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